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- 19/07/2023
Maria Chtcherbatova
feat Freyja Allan by Dripping Alchemy
♕ Âge : 19 ans
♔ Parents : Olga Chtcherbatova (née Løvenskiold) et Alexeï Chtcherbatov
♕ Lieu de naissance : St Pétersbourg
♔ État civil : Célibataire
♕ Titre / Métier : Fille de duc
♔ Classe sociale : Noblesse
♕ Résidence à Londres : Location d'une maison de vacances dans le quartier de Mayfair
♔ Résidence à la campagne : Au sud de St Petersbourg, à un jour de calèche
♕ Richesse : Essentiellement militaire des deux côtés. Quelques affaires viennent parsemer le tout ici et là, mais c’est plutôt dérisoire, en réalité.
♔ Parents : Olga Chtcherbatova (née Løvenskiold) et Alexeï Chtcherbatov
♕ Lieu de naissance : St Pétersbourg
♔ État civil : Célibataire
♕ Titre / Métier : Fille de duc
♔ Classe sociale : Noblesse
♕ Résidence à Londres : Location d'une maison de vacances dans le quartier de Mayfair
♔ Résidence à la campagne : Au sud de St Petersbourg, à un jour de calèche
♕ Richesse : Essentiellement militaire des deux côtés. Quelques affaires viennent parsemer le tout ici et là, mais c’est plutôt dérisoire, en réalité.
Qui suis-je derrière mon écran ?
♕ Prénom ou pseudo : DesTAING
♔ Âge : 23 ans
♕ Rythme de RP : Une à deux fois par semaine
♔ Comment avez-vous découvert le forum ? Discord
♕ Acceptez-vous le règlement du forum ? Evidemment
♔ DC : Non
Son histoire :
Décrivez ici votre personnage. Nous voulons tout savoir : son histoire, son caractère, les traits de particularité dont il ou elle dispose. Par ailleurs, n'hésitez pas à enrichir votre texte de quelques anecdotes sur votre personnages que ce soit dans sa vie d'enfance ou dans l'âge adulte. Quels sont ses rêves, ses projets, ses buts. Quels sont aussi ses échecs, ses défauts, ses failles.
CARACTERE :
Solitaire – Compétitrice – Déterminée – Aime plaire – Réservée – Perfectionniste – Superficielle – Introvertie – Curieuse – Sévère – Exigeante – Sèche - Méfiante – Silencieuse – Incapable de faire des choix - N’a pas d’amis et ne sait pas s’en faire -Inexpérimentée pour la plupart des choses – Maladroite - A les jambes arquées - 1m77 - Excellente mémoire, peut refaire un récital d'il y a 7 ans - Rapport conflictuel avec son corps - A un fort accent russe, elle est embarrassée quand on le lui fait remarquer - Ne connait pas vraiment sa famille - Ne se rend pas compte de l'affection que lui porte son frère -
Maria est une russe. Elle déteint un petit peu dans le paysage britannique. Une stature droite, terriblement blanche, gracieuse avec un port de tête élégant. De par sa grande taille, Maria intimide. Et il faut dire que son visage fermé n’invite pas à la conversation.
Naturellement antipathique, sans s’en rendre compte, Maria n’est pas vraiment du genre démonstrative. Elle a du mal avec les grandes embrassades, et cela l’exaspère beaucoup. Moins il y a du contact physique, mieux elle se porte.
Maria est sèche. Ne voyez pas là la trace d’une quelconque méchanceté, elle ne s’en rend même pas compte. Les conversations s’en tiendront toujours au strict nécessaire, ni plus ni moins. D’ailleurs les gens trop bavards l’agacent. Un autre défaut qui lui colle à la peau : elle est trop honnête. Elle ne parle pas beaucoup, mais quand elle parle, ça peut faire mal. Entendons-nous bien, elle connaît à la perfection ses bonnes manières : mais si, véritablement, vous lui demandez son avis, elle n'hésitera pas une seule seconde, quitte à faire mal. Là encore, ce n’est pas méchant : d’autant plus, elle a toujours vécu dans un environnement où ses professeurs ne faisaient pas dans la dentelle. Elle a été éduquée aux commentaires désagréables.
« Tu ressembles à un rat dégarni aujourd’hui Mikhaïl. » Dit-elle.
Parfois même, c’est affectueux. Elle apparaît pour la plupart comme une snob ou une personne impolie, et comment leur en vouloir ?
Pourtant, Maria ne souhaite pas faire de mal. Elle n’est pas du genre à aller chercher la querelle. Généralement, elle aime la paix.
De nature introvertie, (vous vous en doutiez, avouez) elle préfère rester chez elle plutôt que d'affronter les bruits du monde extérieur. Elle ne parle pas d’elle-même, et les remarques sur ses origines la mettent mal à l’aise. Son seul défouloir : la danse. Dans cette espèce de grande dame, quelques émotions s’agitent. Mais elles sont rarement explicites. Un index qui tapote trop fort la table, un œil qui tique sont autant d’infimes signes qui pourront vous guider. Mais son expression et sa voix restent atrocement monotones.
De nature très sévère, une erreur de votre part ne passe jamais inaperçu. De son honnêteté caractéristique, elle appuiera régulièrement là où ça fait mal, parce qu’elle est rancunière, la bonne dame. Elle est exigeante, autant pour elle que pour les autres. C’est comme ça qu’elle choisit ses relations (Spoiler : elle n’en a aucune). Un élément qui ne lui convient pas dans votre comportement et vous êtes de la plèbe. Pour elle, elle se doit d’être toujours parfaite : elle est toujours très élégante, apprêtée. Elle prend d’ailleurs un malin plaisir à voir qu’elle est la plus élégante, parfois.
Avec tout ça, on peut facilement penser qu’elle est hautaine. Et oui, on dirait bien ; pourtant, Maria n’a pas une si grande estime d'elle-même. Elle n’est pas orgueilleuse, et elle critique tout autant les autres qu’elle-même. Elle peut d’ailleurs passer pour aigrie ; elle l’est, un peu. L’incivilité l’agace au plus haut point, et elle vous le fera remarquer.
Vous vous dites sûrement qu’elle est coincée : peut-être. Elle n’a jamais eu l’occasion de se lâcher complètement. Ayant passé son enfance et son adolescence avec une pression constante sur le dos, elle n’a pas eu le temps de découvrir et de profiter. Aussi, parfois, elle paraît immature. Elle est gênée de ne pas connaître des choses « d’adultes ». Pour ainsi dire, elle n’a aucune idée de comment gérer un domaine, ne connait pas les jeux d’argent (ne connait même pas l’EXISTENCE des jeux d’argent), et tant d’autres choses qu’il vous conviendra de découvrir.
Maria n’a pas appris les choses nécessaires à la vie. Ainsi, on lui a toujours tout fait : on lui demandait simplement de s’entraîner et de performer correctement, c’est tout. De la même manière, elle est incapable de faire des choix, cela relève d’un défi pour elle. Elle est rarement sûre de ce qu’elle souhaite, et peut être amenée à réfléchir pendant 10 bonnes minutes à ce qu’elle désire vraiment, avant qu’on ne choisisse pour elle.
Maria le sait, elle est un peu en décalé. Elle en a honte, et préfère mentir que d’avouer cela.
Bercée dans un milieu ultra-compétitif, Maria n’a pas vraiment eu d’amis. Elle ne sait pas profondément ce que ça signifie, ni comment on s’en fait. Elle a toujours été seule ; la plupart de ses relations sont souvent sans profondeur, superficielles. Elle est de ce fait, très indépendante émotionnellement. Méfiante, elle préfère ne compter que sur elle-même, car c’est ce qu’on lui a toujours appris.
Elle aime la compétition et souhaite toujours se mesurer aux autres, même inconsciemment. De même, c’est une personne déterminée : quand elle veut quelque chose, elle l’a pratiquement toujours et elle ne lâche jamais.
Malgré son côté très froid, Maria aime plaire. Elle est très coquette et porte un soin tout particulier à ses vêtements. Elle n’a jamais été particulièrement courtisée, mais elle le sait, elle aime ça. Du fait de son manque d’expérience en relation humaines, elle montre parfois un côté superficiel. Mais tout est question d’apprentissage, bien entendu.
Maria n’est peut-être pas la personne à appeler pour vous réconforter, mais peut-être mieux pour vous botter les fesses.
HISTOIRE :
Maria est née pour la scène. Elle en est convaincue jusqu’au fond de ses entrailles.
Pourtant, on ne lui laissera jamais sa chance. Éprise de danse classique depuis sa naissance, l’amour qu’elle porte à cet art est bien la seule conviction qu’elle possède.
Fille de Olga Løvenskiold, et du duc Alexeï Chtcherbatov dont la noblesse s’illustre à la guerre, Maria est de ceux qui n’auront jamais à s’inquiéter de l’état de leur finance. Naturellement, elle fut élevée dans un cadre rigide, codifié et austère. Une petite tête blonde, qui devait exceller en sport et en littérature. Une tête bien faite dans un corps bien fait, élevé à son paroxysme.
Son avenir tout tracé, sa mère lui chuchotait qu’elle n’était pas n’importe qui. Elle la cajolait en lui répétant sans cesse qu’elle était sa fille adorée, celle que tout le monde enviait et dont on se souviendrait le nom.
La barre était haute. Déjà haute pour une enfant. A 5 ans, Maria est naturellement repérée pour la danse classique ; quoi de plus naturel pour une enfant de la famille Chtcherbatov. Sa mère fondit tous ses espoirs sur ce nouveau petit être, arrivé un peu trop tôt dans sa vie.
Maria appris les rudiments de la danse classique avec une professeure d’excellence, et on lui prédit un avenir d’excellence. Après une brève vie dans le domaine de campagne des Chtcherbatov, elle intègre le conservatoire. Elle vivra dans un internat, ne voyant ses parents que pour quelques journées, le tout, du haut de ses 6 ans. Le conservatoire lui permet d’obtenir une éducation scolaire, contrairement aux autres nobles de son âge. Cours le matin, danse l’après-midi. Pourtant, à la différence des autres nobles, elle est incapable de coudre, tisser, ou faire le thé.
Très tôt, Maria va connaître la pression. Le conservatoire n’a jamais été un endroit sain pour faire grandir et développer un enfant. Les enfants sont comparés entre eux dès leur plus jeune âge, loin de leurs parents et sans moyen de les joindre. Ils y vivent une vie militaire dans laquelle l’expression individuelle n’est pas encouragée. Peu d’amusement et de relâchement, constamment surveillés et peu d’amis. Pourquoi faire ? Ils étaient soit des concurrents, soit des personnes qui partiraient dans quelques mois ou années, car ils n’y arriveraient pas. A cela, rajoutons une pression supplémentaire, celle d’être la fille Chtcherbatov.
Étonnamment, Maria s’en sort bien. Les premières années de sa vie sont, pour ainsi dire, brillantes. Des notes excellentes en cours, un talent naturel pour la danse, des parents comblés. Maria apprit assez tôt - à tort - que cela était le seul moyen d’obtenir l’affection de ses parents. Une pression supplémentaire dans son cerveau : si elle ne réussissait pas, elle perdait tout.
Elle allait de représentation en représentation, incarnant des petits rôles pour l’heure, inconnue du grand public. Mais le monde du ballet est un petit monde. Les « insiders », eux, savaient qui elle était. Étroitement surveillée par ses pairs, aucun écart n’était toléré. Aussi, l’âge de l’adolescence ne lui permis pas de découvrir et de se découvrir. Elle resta en solitaire sur le plancher de la salle de danse.
L’adolescence fut une autre secousse : malgré qu’elle n’avait pas « d’amis », ce fut le moment crucial pour beaucoup de camarades avec lesquels elle avait grandi. L’adolescence, c’est le moment des choix : certains changent complètement d’orientation. Et une grande partie du cadre sur lequel elle s’appuyait s’ébranla.
Non pas qu’elle les aimait. Mais ils avaient grandi ensemble, vous voyez ?
L’adolescence, c’est aussi le changement de corps. Le corps, en danse classique, c’est quelque chose. Elle a vu des camarades devoir quitter le conservatoire, car ayant pris trop de poids. Elle a vu des filles partir, car trop grandes et des garçons partir, car trop petits. Elle se rappelait encore de Dina, son aînée de 2 ans, partie car la nature lui avait donné une poitrine trop généreuse. Maria n’a jamais eu aussi peur. Pour la première fois de sa vie, il lui arrivait quelque chose qu’elle ne pouvait pas contrôler. Tout pouvait s’écrouler pour quelque chose qu’elle n’avait pas choisi.
Vous comprenez, si elle n’arrivait pas à un mouvement, elle s’entraînait et elle y arrivait. Ici, il n’y a strictement rien qu’elle puisse faire. Rien. Et au fur et à mesure, cela arriva de manière insidieuse, sans même qu’elle pût s’en rendre compte.
« 58 kilos ! Tu es grosse. Tu es sûre de vouloir continuer à danser ?
- Je suis désolée.
- Ne t’excuse pas à moi, c’est à toi-même que tu dois t’excuser. Si tu veux devenir danseuse, tu dois avoir le physique. Là, je ne vois rien. Rien du tout. Tu devrais réfléchir à l’importance que tu accordes au ballet et à ton image. Tu grossis, ça fait des mois qu’on te le dit. ».
Et c’est tout. Le monde s’est arrêté. Elle descendit de la balance, tandis que le monde autour d’elle était à l’arrêt. Elle ne voulait pas pleurer. Sa mère lui disait que cela froissait son beau visage. Mais la réalité était là. Pour la première fois de sa vie, on venait ouvertement de lui dire, devant toute la compagnie, à elle, qu’elle n’était pas assez bien.
Entendons-nous bien, les professeurs n’ont jamais été tendres avec elle, ni avec personne d’autre d’ailleurs. Elle avait déjà reçu des « Vous ressemblez à des crapauds empaillés » ou des « Heureusement que je suis vieille et que je ne peux plus vous frapper », mais là, sa carrière venait d’être remise en question devant tout le monde, le jour de la pesée hebdomadaire. Que diraient ses parents ? Que dirait sa mère ?
Ce fut une humiliation cuisante, une honte. Pour elle, qui était l’espoir sa famille avec un grand E, elle se sentait comme une moins que rien. Tous les sacrifices qu’elle avait accumulés ne valaient plus rien, s’ils étaient remis en question pour du poids. Son talent ne valait rien, si le physique n’allait pas avec. Ce n’était pas la première fois qu’on la traitait de grosse, mais c’était la première fois qu’on la remettait en question, elle, dans son intégralité.
Comme tout ce qu’elle faisait, elle avait un besoin permanent contrôle. Comment ne plus subir une humiliation pareille ? En contrôlant son poids.
…
« 42 kilos. Suivante ! »
Elle expira. Elle venait de passer l’examen, sans encombre. Personne ne la regardait. Et c’était là, la sensation la plus exaltante qu’elle n’ait jamais ressentie. Ça aussi, elle pouvait le contrôler, elle avait réussi ! Pourtant, elle le savait au fond d’elle, elle n’était pas pleinement satisfaite. Quelque chose lui manquait, terriblement.
Elle avait faim.
On la complimentait. Elle n’avait jamais été aussi belle, jamais aussi gracieuse, aussi légère que depuis qu’elle était passée sous la barre des 45 kilos. Elle ne s’était jamais sentie aussi confiante, jalousée et choyée. Pourtant, elle le sentait, elle était moins précise que d’habitude. Ses fouettés étaient moins nets, et son cœur semblait s’affoler au moindre exercice. Elle se sentait désespérément plus faible, et pensait tourner l'œil à la fin de chaque répétition. Si faible, qu’elle se demandait si elle allait bien. Elle était fatiguée et perdait ses cheveux. Cela faisait plusieurs mois maintenant, et elle sentait qu'elle approchait sa limite. Perdre des kilos semblait terriblement long et difficile. La nuit, elle se réveillait de faim.
« Pourquoi caresses-tu ces bêtes Maria ? Elles sont sales. »
Elle sursauta. Sur le pas de la porte, une silhouette châtain, au teint rosé, avec deux azurs qui la fixaient. Un petit visage fin et droit, dont les yeux lui faisaient penser au bleu du ciel printanier. Mikhaïl, frère aîné, héritier de la famille Chtcherbatov, venait de la sortir des démons de son passé.
Maria se renfrogna. Ces bêtes ? Ce sont des chiens. Et Maria n’aimait pas que l’on critique ses « bêtes ». Elles valaient, à ses yeux, bien plus chères que n’importe quel bijou. La majorité était des chiens de chasse, ramenés spécialement d’Ukraine ou du sud de la Russie ; des laïka, des chiens dont l’apparence s’approchait du loup, robustes, avec une queue enroulée sur le dos, queue qui sursautait à chaque foulée, leur donnant un air sympathique. L’autre partie de la meute se constituait de barzoï, des chiens dont la hauteur égalait la finesse ; il fallait les garder maigres pour la course, et leurs membres étaient si fragiles qu’un poids en tant soit peu excessif signait leur mort. Son frère s’occupait de les achever. Dieu soit loué, il ne revenait à la propriété familiale que très rarement.
Maria tenait à ces chiens plus qu’à elle-même.
Les deux jeunes quittèrent le devant caillouteux de la propriété pour contourner le bâtis. De-là, se dessinait un petit chemin en terre battue qui menait derrière de grands saules pleureurs. Les deux silhouettes graciles disparurent, recouvertes par les branches. Par derrière, une petite cabane en verre : une roseraie à l’abri des regards indiscrets. L’endroit était entouré de grands arbres centenaires, qui opéraient une frontière entre le vaste jardin vert et plat sur lequel s'élançaient les chiens, et ce petit écrin secret.
Maria savait très bien pourquoi il la menait ici ; c’était d’une part pour éviter tout scandale avec les employés de maison, mais surtout, c’était l’endroit idéal pour hurler sans que personne ne vous entende. Parfait, pour une discussion qui s’annonçait des plus diplomates. Une fois arrivés, Mikhaïl marcha un petit peu le long des allées ; les roses n’étaient guère le fort de la maison Chtcherbatov, mais Maria insistait tout de même pour que ce petit bijou de roseraie soit entretenu régulièrement. Il intima à sa sœur de le suivre.
« Regarde, dit-elle, en pointant des bourgeons de roses jaunes, elles commencent déjà à sortir, c’est impressionnant, surtout à cette période de l’année. »
Il faut dire que le printemps avait été particulièrement rude chez les Chtcherbatov, si bien que l’on avait prolongé la saison de la chasse, au grand plaisir du frère aîné, Mikhaïl.
« Il faut en prendre soin ... ». Elle se retourna, sentant le regard transperçant de son frère dans son dos. Elle savait très bien pourquoi elle était ici. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de repousser l’échéance. Parler de ses chères roses lui semblait plus opportun. A croire que Mikhaïl n’appréciait pas vraiment l’initiative.
« Tu as repris, n’est-ce-pas ? » Il s’approcha de sa petite sœur, prenant sa main, la caressant, avec un regard mêlé d’empathie et de pitié. Elle mordit l'intérieur de ses joues. Tout contact physique était pour elle, un supplice.
« Je parle de la danse. »
Mikhaïl détourna son regard de sa sœur et posa son index sur les bourgeons, comme pour les caresser.
Même si le ton était identique à celui qu’il adoptait usuellement, l’air qui sortait de sa bouche était plus sifflant, plus tranchant. Elle le savait en colère. En même temps, tromper l’autorité familiale n’était peut-être pas la meilleure idée qu’elle ait eue.
« Je ne t’apprends rien. » Répondit-elle, lasse.
Cela faisait maintenant plusieurs mois que Maria avait repris la danse classique en cachette, faisant venir un professeur particulier pour elle. Malgré toute la discrétion dont elle avait su faire preuve, il faut croire que tout cela ne valait rien face à la souveraineté de son frère. Ce ne serait pas étonnant qu’il l’ait appris par le biais d’une bonne de maison. Tout le monde sait très bien qui dirige la maison, et ce n’est certainement pas Maria.
En réalité, Mikhaïl n’attendait pas une quelconque réponse ; il se parlait plus à lui-même, et la déception transparaissait dans son regard.
« Alors, j’aimerais savoir... »
Il lâcha le bourgeon, qui, libéré, se redressa en cognant les autres.
« … Depuis combien de temps… »
Il lorgna sur sa sœur.
« … Tu me mens. »
Il planta ses yeux d’acier dans les siens. Elle détourna le regard, embarrassée. Non, bien plus que cela, en réalité. La danse classique était bien la seule chose pour laquelle elle était prête à transgresser toutes les règles de sa famille. Pourtant élevée dans la droiture la plus complète, il faut croire que tout le monde a ses faiblesses. Elle marmonna : « 7 mois. »
« 7 MOIS. » La voix de Mikhaïl se brisa de colère, et l’air siffla entre ses dents.
« Te rends-tu compte Maria, de la teneur de tes actes !? Tu me désobéis, et tu désobéis à Père, pour ça ?!
Maria baissa sa tête vainement, abattue. Elle savait qu’il fallait attendre que le mauvais moment passe. Rondir le dos, laisser la bourrasque passer. Pourtant, des mots sortir de sa bouche :
Je ne fais rien de mal. » C’était comme un cri de désespoir, qu’elle lâcha malgré elle. Sa tête tournait, et des sentiments venaient s’entremêler dans cerveau. Elle était incapable de réfléchir. Ses joues, gelées par le froid et dont les couleurs avaient disparu depuis longtemps, ressemblaient à des collines de la campagne russe. Le silence s’imposa entre eux, et la roseraie, les chiens, la propriété, tout disparut. Ils n’étaient plus que deux, dans un endroit hors du temps.
« Tu … ? » Finit par articuler Mikhaïl, incapable d’en dire plus. Ces mots lui brûlèrent la bouche. Il avait l’impression qu’on venait de lui arracher la langue.
Un regard empli de pitié.
Elle hocha la tête.
« Cesse de souiller le nom Chtcherbatov. »
Et il partit.
« Et si tu faisais quelques boucles à tes cheveux aujourd’hui, Maria ?
Elle sursauta. Maria se trouvait maintenant face à elle-même, devant sa coiffeuse, tandis que le visage de sa mère la scrutait agacée.
-Maria, tu m’écoutes ?
Elle s’était perdue dans ses pensées ; l’épisode datait déjà d’il y a deux semaines, et elle hésitait toujours à en parler à sa mère.
-Oh, oui oui, pardon. »
La mine boudeuse de sa mère faisait ressortir ses yeux gris, que Maria lui avait toujours envié ; sa mère était le portrait typique d’une femme russe. Grande, élancée mais musclée, les pieds bien plantés dans le sol, avec une chevelure d’un châtain perçant. Maria, quant à elle, n'avait rien de tout cela : une peau si blanche, des yeux si pâles, des cheveux si blonds, presque blancs. Elle ne ressemblait à personne et se désolait de n’avoir rien d’une Chtcherbatov, si ce n’est le sang.
Sa mère n’avait rien de russe pourtant ; elle était d’origine norvégienne, et même si elle était russe par la naissance, elle ne s’était jamais sentie comme telle. Elle n’était pas très fréquentable aux yeux de la famille Chtcherbatov : issue d’une famille peu conformiste, et d’origine étrangère (quelle horreur!), la seule chose qui lui permettait de s’unir avec son mari actuel fut l’argent. Ce fut avec regret que la famille Chtcherbatov laissa ces deux se fiancer, mais la fortune qui découla de cette union fut plus que prospère.
Olga Chtcherbatova n’attendit même pas la réponse de sa fille pour demander à la femme de chambre de s’attaquer à sa chevelure.
Son visage semblait enfin s’apaiser tandis que la femme de chambre détendait les boucles blondes Maria.
« Pourquoi prendre autant de précautions pour le comte Stroganov ?
-Il a amené son petit-fils avec lui aujourd’hui.
-Oh ?
- Ce serait vraiment bien que tu t’intéresses à lui Maria : il est gentil, très cultivé, et il s’entend déjà très bien avec ton frère, et puis, c’est l’héritier principal. »
Tout le monde est ami avec Mikhaïl.
Mais elle entendit très bien l’accent que prit sa mère au mot héritier. Ça n’était pas pour lui déplaire. Si elle pouvait enfin se rendre utile à sa lignée, de quelque manière que ce soit, quitte à se sacrifier pour la parentalité (chose qu’elle n’avait absolument pas envisagée), cela était un honneur. Aussi ne rechigna-t-elle pas à tous les arrangements auxquels sa mère la soumettait dans l’espoir d’améliorer son visage. Maria savait que la forme de son visage la rendait extrêmement juvénile, et que ses sourcils étaient bien trop épais et foncés en comparaison à sa chevelure. Mais son plus gros défaut, qui même avec tous les efforts du monde, ne pouvait s’arranger, était sa voix. Une voix grave, si grave que si elle y mettait du sien, on pouvait aisément la confondre avec une voix de jeune homme. De nombreuses fois, on lui avait conseillé de faire de l’opéra, car c’était, apparemment, quelque chose de très unique et prisé. Mais se retrouver face à son plus gros défaut était impensable.
L’embellissement dura en tout une bonne heure, durant laquelle Maria n’attendit qu’une chose : qu’un sourire de satisfaction traverse les lèvres de sa mère avant que celle-ci ne déclare :
« Parfait. »
C’était une nuit d’été, où le soleil ne se couchait jamais tout à fait. C’était dans ces périodes-là que les deux enfants Chtcherbatov se réveillaient pour jouer dans toute la maison (en se cachant des parents et des employés de maison, bien entendu). C’était aussi la période préférée de Maria, où il était -à son sens- le meilleur moment pour s'occuper des chevaux.
La maison Chtcherbatov n’avait qu’une maigre écurie, composée de sept box uniquement. Ce vieux bâti avait été spécialement rénové pour Mikhaïl, frère aîné, passionné de chasse à courre depuis ses 7 ans. Le premier cheval qu’on lui offrit fut un cheval de trait, -un hongre, par-dessus le marché!- ce n’était pas un cheval de course, bien entendu, mais Olga Chtcherbatova était bien trop inquiète pour son fils pour lui offrir directement un pur-sang anglais. Aussi, le cheval de trait lui parut comme la solution la plus arrangeante. Cela satisfit Mikhaïl pendant un temps ; mais dès qu’il s’aperçut que l’herbe était plus verte ailleurs, il délaissa ce pauvre Truddy (Mikhaïl était persuadé que c’était une femelle, malgré ce que répétaient ses parents.). Aussi, laissé à l’abandon, Maria décida de s’en occuper personnellement.
Durant ces journées sans fin, elle adorait promener Solnyshko -c’était son vrai nom- pendant trois-quatre heures, s’enfonçant dans la campagne, flirtant avec les limites de la propriété. Elle aimait surtout se balader en forêt, où tout était plus calme, et le soleil passant au travers des branches, au milieu de la brume matinale, offrait un paysage des plus saisissant.
Maria ne montait pas, entendons-nous bien. Ce n’était pas assez élégant selon elle, et puis, elle avait peur.
Pendant ces balades, Maria adorait écouter les oiseaux s’époumoner jusqu’à la tombée de la nuit, si cette dernière se décidait à venir.
La jeune fille faisait toujours le même chemin, si bien que Solnyshko l’empruntait d’instinct. Elle n’avait même pas à agir sur licol : tout d’abord, l’orée de la forêt, puis tout droit, jusqu’à un petit ruisseau, dans lequel il boit quelques gorgées (si l’eau n’est pas gelée) avant de repartir vers une petite clairière, en quittant le chemin « tracé » dans le forêt un peu plus à l’Est.
« Oh mon dieu. »
Les voilà consternés, bras croisés dans la brume matinale, un matin où le soleil s’était enfin couché pour quelques heures, mais cela suffisait. Au lever, le paysage était envahi d’un épais brouillard, et d’une fraîcheur toute nouvelle ; mais le plus impressionnant était ce silence : ce silence pesant, qui semblait se tenir dans le brouillard et sur les épaules de toutes les personnes qui osaient s’aventurer dehors. Même les chiens le ressentaient ; ils étaient couchés, immobiles, reniflaient fébrilement, mais silencieux.
Peut-être aussi parce qu’un de leurs camarades gisait, éventré, au beau milieu de la propriété. Il formait la seule tâche de rouge dans tout ce blanc pâteux. La seule couleur à des kilomètres alentour, mais étrangement, cette couleur devenait poisseuse, pourrie, épaisse, informe.
Et à côté de cette tâche, deux personnages, à moitié écœurés, l’un plus grand que l’autre, habillés à la va-vite.
« Ah ! Mais il va falloir l’annoncer à Maria! Comment va-t-on faire ? » De grands gestes animèrent Olga, paniquée.
« Je vais m’en occuper. » Reprit-elle, de son ton autoritaire caractéristique d’une mère de famille qui avait l’habitude de prendre les choses en main.
« Non, non, je dois le faire. » Répondit Mikhaïl. Olga était bien trop brutale, trop directe, pour ménager la sensibilité de Maria concernant son étrange affection pour ces bêtes baveuses.
Olga était visiblement froissée dans son orgueil en tant que mère coordinatrice, mais elle se contenta de hausser les épaules. Elle n’insista pas, car elle n’aimait pas être confrontée à sa fille aînée sur un terrain aussi glissant que constituait la mort d’un de ses chiens favoris. Aussi, si quelqu’un d’autre s’en chargeait, cela l’arrangeait grandement, sans qu’elle eût besoin de l’avouer.
Mikhaïl savait également que sa sœur détestait être dérangée, surtout quand elle lisait, et lui annoncer cette terrible nouvelle était loin d’être une circonstance atténuante. Il regrettait encore plus cette initiative à chaque pas qu'il faisait en direction de sa salle d’étude. Finalement, il toqua, et sans attendre une quelconque réponse de sa sœur, il entra.
Maria ne dit rien, le fusillant du regard tandis qu’elle posait son livre sur son bureau.
« Je t’ai déjà dit non pour la troisième danse Mikhaïl. »
Maria faisait référence à son bal de débutante. Futur bal dans lequel elle accorderait deux danses à son frère et pas une de plus.
« J’aurai adoré continuer à marchander nos danses ma chère, mais je me disais qu’il serait de bon ton de te prévenir qu’un des chiens a probablement été attaqué par un loup ce matin. »
Mikhaïl vit sa sœur perdre instantanément toutes les couleurs de son visage.
« Je te demande pardon ? »
Elle se leva, bouscula légèrement sa frère, demeurée silencieux, et se précipita dans le jardin.
« Oh mon, mon... »
Elle resta sans voix face à cette tâche rougeâtre qui contrastait dans le blanc environnant, avec l’espèce de purée de pois en guise de brouillard qui l’étouffait, s’immisçait dans ses poumons, et lui donnait envie de vomir. Mais ce qui lui serrait la gorge, c’était de voir son chien, mort, alors qu’elle semblait encore voir de la vie dans ses grands yeux noirs, pour l’implorer. L’implorer de quoi ? Elle ne sut pas, mais elle eut envie de pleurer. Elle ne s’attarda pas sur son thorax brisé, en train de pourrir à l’air frais, car elle sursauta en écoutant le vent, qui rapportait les pleurs de ses chiens.
Son cœur battit dans ses tempes, tandis qu’elle perdit son regard dans la neige. Il semblait que le brouillard avait également envahi son esprit autant que la propriété. Il semblait que les chiens pleuraient la mort de leur compagnon ; ou bien pleuraient-ils le retour de Mikhaïl. Car Mikhaïl est un homme exigeant, beau et droit. Un chien qui ne chassait pas était une gueule de trop dans la propriété. C’est ainsi que fonctionnaient les lois de Mikhaïl, héritier de la maison.
« Madame ? »
Son cœur manqua un battement. Mais elle reconnut la voix fluette du jeune valet de pied qu’elle côtoyait depuis quatre ans maintenant.
Elle se retourna et le prit comme son saint sauveur.
« Vous pleurez, Madame. » Il lui tendit un mouchoir, tentant de masquer son air peiné, car c’est ce qu’on lui avait appris, de toujours rester imperturbable. Andrew -car c’était son nom- avait tout d’un bon petit : gentil, un peu timide et maladroit, mais bien loin d’être méchant. Ses petites boucles brunes retombaient sur son front d’une manière telle que cela lui donnait un air encore plus juvénile.
« Nous devrions rentrer Madame, il fait froid. » Et elle le suivit, encore sous le choc. Elle voulut pleurer de soulagement, mais le protocole l’en interdisait. Andrew en avait déjà trop vu. Sa présence était tellement réconfortante que le brouillard semblait se dissiper en sa présence, et les hurlements avaient disparu.
« Mikhaïl ?
Il était immobile, l’air grave. Il ne restait que lui et sa mère dans le petit salon familial, le vert, celui réservé aux discussions très privées. Celui que son père occupait le plus souvent avec ses collègues pour parler de stratégies militaires. (chose que personne ne comprenait dans la maisonnée, de toute manière.). Ce salon lui était presque « réservé » ; il était donc étrange que toute la famille se réunisse ici, ce qui était d’autant plus alarmant. Il suffit à Maria de glisser un regard à sa mère pour comprendre que la discussion allait être lourde.
Père l’avait déjà convoquée ici, une fois. C’était par rapport à la danse classique. Elle était encore une enfant. Elle ne souvenait pas exactement quand, mais elle se souvint qu’elle devait avoir 12 ou 13 ans. Son père, malgré ses absences répétées (en tant que général d’infanterie et conseiller d’état) était un modèle de vertu pour sa fille : bourreau de travail, intelligent et cultivé.
Sauf que cette soirée-là, elle ne chantera pas ses louanges.
Elle se souvenait aussi du furet de son père qui se tenait toujours sur ses genoux (et Dieu sait qu’elle détestait cette bestiole!). Parfois elle s’amusait à le narguer en suspendant sa nourriture au-dessus de sa cage. Elle trouvait ça furieusement amusant de voir les petites pattes de la bestiole s’étendre au-travers des barreaux sans pour autant attendre le met précieux. Enfant cruelle qu’elle était. Mais son père accapara rapidement toute son attention.
« Assis-toi, ma chérie. » Avait-t-il déclaré d’un ton faussement chaleureux, de celui qu’il utilisait pour parler aux enfants. Il lui montra un fauteuil, bien trop grand pour elle bien entendu. Elle s’y hissa d’une manière fort peu élégante puis s’y assit. -Les mains sur les genoux, comme on lui avait bien appris-. Il prit une grande inspiration, elle le regarda, interloquée.
« Tu sais, Ria, il y a quelque chose dont je voulais te parler;
Il essaya de rester le plus stoïque possible.
-Je sais que tu aimes la danse classique. Ton professeur m’a dit ton énorme potentiel.
Il s’arrêta sur ce mot, potentiel.
- J’imagine que c’est quelque chose dont tu dois être fière.
Elle opina ses yeux pleins d’espoir. Il continua :
-C’est une discipline tout à fait louable.
Il passa sa main dans ses cheveux, visiblement agacé, cherchant ses mots.
-Mais pas pour quelqu’un comme toi.
Il estima que ce n’était pas la peine de se perdre dans les détails.
- Père…
Il s’impatienta. Il claqua sa langue contre son palais et s’approcha de sa fille, recouvrant ses mains des siennes.
-Ecoute, c’est un art tout à fait honorable. Mais ce n’est pas là ta destinée. Ne te perds pas là-dedans, ne devient pas … -il grimaça à ce mot- Une artiste. »
Le comportement de la petite venait de changer : confusion et affolement faisait un sérieux grabuge dans son petit cerveau. La voilà raidie, comme un bloc, aussi pâle que le marbre. Respirait-elle au moins ? Elle parvint à articuler, d’une pauvre voix médiocre :
« Vraiment ?
-Je le vois bien. C’est ce que tu désires le plus profondément. Mais ça n’est pas toi. Ce n’est pas pour toi. Tu vas arrêter de danser. Demain, tu ne retourneras pas au conservatoire.» Ces cernes ressortaient d’un bleu sombre sur son visage sans couleur.
Elle commença à trembler, presque en convulsant. Des pleurs silencieux, réprimés par le peu de façade qu’elle essayait de conserver face à son géniteur.
Sans même s’en rendre compte, son père s’était déplacé au centre de la pièce, les bras croisés derrière son dos. Un silence s’appesantit durant lequel seules les convulsions de la petite se faisaient entendre. Mais la déception du père, elle, fut bien plus tonitruante.
« Va te coucher, Maria. ».
Pourtant, ce soir, ce ne fut pas face à la déception de son père qu’elle se trouvait ; c’était un autre type de déception. Mikhaïl se tenait face à elle, les bras croisés, visiblement consterné et les joues rosies par l’alcool.
« Je suis parti chasser avec l’héritier Stroganov, aux alentours de Moscou. »
Maria ne comprenait pas pourquoi son frère s’entêtait à l’appeler « hériter Stroganov » ou « comte ». Ils étaient amis depuis bien longtemps, pourquoi s’inquiéter de ce genre de frivolité ? D’autant plus devant sa future femme, qui va devoir l’appeler par son prénom. Maksim. Ce n’était pas si difficile, si ?
« Je sais. Et tu es revenu beaucoup trop tôt. Acheva-t-elle de but en blanc, plus sèchement qu’elle ne voulait bien l’admettre.
- Oui, il y a eu un regrettable accident. Regrettable, vraiment… »
Mikhaïl avait toujours cette fâcheuse manière de tourner autour du pot, tout comme son père ; ce que Maria trouvait absolument insupportable. Une idée lui traversa l’esprit : Maksim avait-il trouvé quelqu’un d’autre ? Non, impossible, on devait attendre le printemps pour lui faire une proposition sérieuse, et elle seule pouvait refuser. A-t-il trouvé un meilleur parti ? Après tout ce temps ?
« Le comte a eu un accident de cheval. Je ne sais pas trop les circonstances, car j’étais loin derrière lui, mais il s’est brisé le cou. On ne pense pas qu’il ait souffert sur le coup. Je suis désolée Ria »
Ria. Ria sonnait tellement faux dans sa bouche. Elle n’avait jamais voulu qu’il l’appelle ainsi, et leur rapport était loin d’être intime. Ils restaient strictement formels.
Pour être tout à fait honnête, elle avait peur de son frère, parfois. L’odeur caractéristique d’alcool qu’il diffusait autour de lui la mettait profondément mal à l’aise. Sous les coups de sa colère, et pendant l’adrénaline de la chasse, il lui arrivait de lever la main sur ses chiens, ce qui la rendait folle. Et la seule fois où elle tenta de lui en parler, il l’avait remise à sa place durant un repas de famille, devant le personnel de maison.
« Oh. » Fut tout ce que sa bouche produit, un peu malgré elle.
Voilà qui est bien fâcheux. Pensa-t-elle.
« Que c’est embêtant ! Soupira Olga Chtcherbatova, avec une moue boudeuse.
-J’ai la migraine. » Parvint-elle à articuler, d’une manière qui était la moins naturelle possible. Maria n’éprouvait pas de l’amour pour lui, pas même de l’affection. Après tout, elle ne l’avait fréquenté, en tout, que deux mois cumulés. Que fallait-il donc faire ? On ne lui avait jamais enseigné comment se comporter face à l’annonce d’un décès. Qu’était-elle censée répondre ? Celui qui avait le plus de peine ici, n’était ni elle, ni sa mère. Un vide se creusa dans son estomac. Voilà son avenir, tout tracé depuis ses 6 ans, balayé d’un seul coup de vent par le malicieux destin, qui devait sûrement s’en délecter.
Elle quitta la pièce d’une démarche robotique et se dirigea, vidée, vers sa chambre. Elle ne prit même pas la peine d’allumer les bougies et verrouilla sa porte immédiatement.
Elle fit face au vide, monochrome, et son estomac sembla se retourner sur lui-même. Elle se jeta sur son lit, comme vidée de toute force, et poussa une longue plainte. Aucune larme ne coula ce soir.
Le retour prématuré de Mikhaïl n’était jamais bon signe ; pour faire simple, plus il était loin, mieux tout le monde se portait. Et cette phrase ne pouvait pas mieux s’appliquer que maintenant. Pour preuve : il était revenu, et voilà son avenir brisé en mille morceaux. Mikhaïl vivait avec une dualité profonde ; celle d’un homme dont les responsabilités le dépassaient. Peut-être en désirait-il plus, peut-être en désirait-il moins. Elle ne le savait pas et était incapable de le dire. Mais ses penchants vers la boisson suggéraient sûrement un mal-être.
Tandis qu'elle s'avança dans le salon de lecture, Maria aperçut sa mère paisiblement assise sur son fauteuil. Avec un faux air de détachement qu’elle maîtrisait parfaitement, et dont Maria était persuadée qu’il était le fruit d’un long entraînement, Olga s'attardait sur son dernier projet de broderie.
En la voyant, Maria ne put réprimander un hoquet de nervosité.
Sa mère lâcha alors son ouvrage qui accaparait son regard.
Dans une vaine tentative de fuite, Maria s’apprêtait à sortir de la pièce; mais la voix de sa mère la retint.
Son regard devint dur comme du fer, et la chaleur réconfortante qu’elle avait l’habitude d’y voir, la concernant, n’existait plus.
« Tu comprends ce que tout cela signifie, Maria ? » Un lourd silence s’installa dans la pièce. Le coeur de Maria se pinçait tandis qu’elle comprit où sa mère voulait en venir : le mariage. Au fond d’elle-même, elle le savait, elle devait se marier. Pourtant, depuis le décès de Maksim Stroganov, cela ne l’intéressait plus. Cela l’avait-t-il déjà intéressée ? Elle ne répondit pas. Elle savait qu’elle n’avait pas d’autres choix que de dire oui. C’était son devoir. Pourtant, approuver les propos de sa mère lui semblait plus que douloureux.
« Ton père part souhaite développer quelques affaires en Angleterre. Nous l’accompagnons. Cela serait une bonne occasion de t’entraîner pour ton début à St Petersbourg, ou mieux, te trouver un prétendant britannique dans la hâte. »
Dernière édition par Maria Chtcherbatova le Sam 22 Juil - 19:41, édité 5 fois
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